Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/548

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Luy qui durant nostre discours avoit preparé ce qu’il me faloit pour me panser, et qui n’attendoit que le terme des vingt-quatre heures pour lever le premier appareil, entra soudain dans ma chambre, et me trouvant tout en sang, jugea bien que quelque esmotion extraordinaire en avoit esté la cause. Toutesfois, sans en faire semblant pour lors, apres m’avoir soigneusement pensé, et fait prendre quelque bouillon, il ferma sa fenestre, et m’ordonna de reposer un peu, ce que la foiblesse me contraignit de faire, car cette seconde perte de sang m’avoit mis si bas que je ne pouvois remuer une main. Cependant il tira à part Halladin, luy remit entre les mains tout ce qu’il avoit retiré des pescheurs, et s’enquit fort particulierement qui j’estois, et quel accident m’avoit mis en l’estat où il m’avoit trouvé ; et là-dessus il luy raconta tout ce que vous avez ouy, madame, de la sorte que j’avois esté sauvé.

Mon escuyer le remercia grandement de l’assistance qu’il m’avoit rendue, et l’asseura fort qu’il ne seroit jamais marry de la peine qu’il avoit prise, qu’il le conjuroit par le grand Tautates de vouloir continuer, et qu’en cela il faisoit une si bonne œuvre que et Dieu et les hommes luy en sçauroient gré. Quant au reste qu’il luy demandoit, c’estoit chose qu’il ne pouvoit sans ma permission, parce que je luy avois deffendu fort expressément, mais qu’il