Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/550

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luy sembla que j’estois un peu mieux, il me representa tant de choses, et m’allegua tant de raisons, que je cogneus enfin que rien ne nous advient que par l’ordonnance de Dieu, lequel nous aymant mieux que nous ne sçaurions nous aymer, il n’y a pas apparence que tout ce qu’il nous ordonne ne soit pour nostre avantage, encores que quelquefois les medecines qu’il nous donne soient ameres et difficiles à avaller. Soudain que j’eus cette cognoissance, je perdis la barbare resolution que j’avois de mourir, et me remis et resignay de sorte entre les mains du grand Tautates, que je commençay à trouver toute chose douce, puis que tout me venoit de cette souveraine bonté. Cette resolution me profita de sorte que bien tost apres, je fus hors de danger, et puis dans peu de jours tellement guery, qu’il n’y avoit rien qui me retint de partir, sinon la faiblesse ; mais elle estoit bien si grande pour l’extreme perte de sang que j’avois faite, qu’il falut beaucoup de temps pour me remettre, quelque soing que le bon vieillard et Halladin peussent avoir de rnoy.

Durant ce temps, n’y ayant rien qui m’occupast que mes pensées, je demeurois le plus souvent hors de la petite cellule, avec excuse de prendre de l’air pour me renforcer ; mais c’estoit seulement pour n’estre interrompu de personne. Le bon vieillard vacquoit d’ordinaire