Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/552

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III

Je me souviens que dans vostre ame
Autrefois vous n’aviez que moy,
Que nous bruslions de mesme flame
Et ne juriez que par ma foy,
Et que vostre plus grand plaisir
N’avoit pour but que mon désir.

IV

Je me souviens qu’en mon absence
(Trop et trop heureux souvenir !)
Vous n’aviez point de patience,
Sinon me voyant revenir,
Et que cent et cent fois le jour,
Vous souspiriez pour mon retour.

V

Une félicité passée,
Et qui ne peut plus revenir,
Est le tourment de la pensée
Qui la veut encor’ retenir,
Parce que le bien espreuvé
Fasche plus en estant privé.

Dés qu’il estoit jour, je sortois de ma petite cellule, et à petits pas, j’allois gaignant le haut de ce rocher escarpé, où me couchant sur la mousse, je repassois par la memoire toutes les choses qui jusques en ce temps là m’estoient arrivées, sans oublier ny bon-heur ny malheur qui ne me donnast un coup tres sensible, car le mal passé me blessoit comme present, et le bon-heur que je n’avois