Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/565

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pour aller où Torrismond demeuroit, s’asseurant bien que j’aurois agreable qu’à son retour il m’en rapportast des nouvelles. Qu’y estant, le plus secrettement qu’il luy avoit esté possible, il n’avoit pas eu grande peine d’en apprendre parce que toute la ville estoit pleine du bruit de Madonte, et que mesme Leriane avoit esté celle qui l’avoit accusée, et que Leotaris et son frere soustenoient ce que Leriane avoit dit d’elle, et de Tersandre.

– Comment, repris-je incontinent, est-il possible que Madonte se soit abandonné à un homme si abbaissé ? Halladin qui creut que cette consideration me la feroit mespriser : On le tient, dit-il, pour asseuré, et veu les preuves que Leriane en a faictes, il n’y a personne qui le croye autrement.

Je confesse, madame, qu’oyant l’asseurance de ces nouvelles, je demeuray tellement hors de moy que, si je ne me fusse appuyé sur mon escuyer, je fusse tombé en terre. En fin m’estant un peu remis, et me retirant un pas ou deux, je croisay les bras l’un dans l’autre, demeurant muet, et tenant les yeux en terre, plein de confusion. Apres, joignant les mains, et levant les yeux au ciel, je dis avec un grand souspir : 0 Dieu ! que tes jugemens sont profonds, et par combien de voyes nous fais-tu voir la verité des choses cachées ? Et m’estant teu, comme ravy d’admiration, en fin je reprins ainsi la parole : II est donc bien vray, Madonte, que vous ayez fait