Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/590

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n’y ayant pas un seul chevalier prez d’Amasis qui ne despendist de luy, ou qui ne fleschist sous son authorité, que Damon qui, encores que tout seul, ne laissoit de luy donner du soucy pour la valeur qu’il avoit conneue en luy. Et craignant qu’Amasis, mal satisfaicte de ceste derniere action, ne taschast de l’arrester en ce pays, et ne l’authorisast par ses faveurs, il resolut de les prevenir, car il se souvenoit qu’autrefois le pere de ce chevalier avoit failly d’espouser Amasis, et tout le grand compte qu’elle faisoit de luy, il l’attribuoit à la memoire qu’elle en avoit encore.

Ceste consideration fut cause que, tirant à part de ces solduriers, à qui Amasis luy avoit commandé de donner congé, il leur tint ce langage, apres s’estre grandement plaint d’elle : II est certain, mes amis, dit-il enfin, qu’il est impossible de changer le naturel de quelque chose, quelque epine et quelque artifice qu’on y puisse mettre. Vous sçavez avec quel soing et avec quelle peine j’ay servy Amasis, et si j’ay espargné ce qui despandoit de moy, ny ce qui estoit de mes amis, et non point en une occasion, mais en toutes celles qui se sont presentées, de telle sorte que, ne songeant qu’à ce qui estoit de son service, j’ay clos les yeux à tout ce qui me touchoit, et j’advoue que quelquesfois je n’ay pas donné à mes meilleurs amis toute la satisfaction que je devois, n’ayant l’esprit,