Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/609

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

bien offencez si l’on ne croyoit tout ce qu’il dit. Et cette erreur est tellement enracinée dans l’opinion de tous ceux de ce rivage, qu’il semble que ce soit un crime de leze-majesté en amour que d’y contredire. Mais moy qui ne m’arreste pas à l’opinion, mais à la verité, et qui ne me laisse gueres vaincre aux paroles sans les raisons, j’ay tousjours voulu suivre ce que cette raison m’a monstre se devoir faire. Y a-t’il quelqu’un qui puisse blasmer l’experience, puisqu’elle est mère et nourrice de la prudence ? Et toutesfois, parlez à Silvandre, et à ceux qui sont de sa secte, ils vous maintiendront au peril de leur vie, que ces experiences sont vicieuses, et qu’il faut, comme coquilles, depuis qu’on est attaché à un rocher, ne s’en séparer jamais. Voire, comme si les dieux ne nous avoient pas donné le jugement pour discerner des choses bonnes celles qui sont meilleures, et la volonté qui est tousjours portée de son naturel et par la raison à celles qui sont les plus parfaictes ! Ces considerations seront, s’il vous plaist, devant vos yeux, ma maistresse, quand vous verrez que j’en ay quelquesfois aimées, que j’ay changées apres pour d’autres, sans que cela vous puisse faire craindre que je vous laisse jamais pour quelque autre, puis qu’il est impossible que je trouve quelque chose qui vaille mieux. Vous n’avez pas esté la premiere, ma belle maistresse, qui avez désiré