Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/616

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bien de celle-cy que des autres. Je luy respondis d’un visage tout renfrongné : Periandre, vous vous mocquez de moy, mais si vous sçaviez la grandeur de mon mal, vous en auriez pitié, quoy que je vous advoue qu’il vient d’amour. – Ah ! mon amy, me repliqua-t’il, il ne faut qu’avoir bon cœur, ce n’est pas la premiere fois que vous avez eu cette mesme maladie sans en mourir. – Il est vray, dis-je, mais en ce temps-là je sçavois qui me faisoit le mal, et maintenant je l’ignore. – Comment, reprit Periandre en sousriant, vous estes amoureux, et ne scavez de qui ? – Il est ainsi que vous le dites, luy respondis-je. Or considerez si à cette fois Amour ne m’a pas bien attrapé ? – Que vous aimiez, dit-il, je le croy, mais que vous ne scachiez qui vous aimez, encore qu’en toute autre chose je vous estime veritable, toutesfois en celle-cy je suis incredule, et s’il est vray, je tiens que celle-cy est l’une de ces choses qui sont plus aisées à faire qu’à persuader ny à croire. – Que vous le croyez ou non, dis-je en souspirant, cela n’empesche pas que je ne sois l’homme du monde le plus possedé d’une amour incogneue. – Et y a-t’il long-temps, me dict-il, que vous avez ce bigearre mal ? – Un peu plus, luy respondis-je, qu’il y a que nous en parlons.

A cette response, Periandre se mit à rire, et puis se mocquant de moy, et me mettant une main sur l’espaule : Et bien, mon amy, me dit-il, si ce mal s’envieillit, je veux payer les medecins. Et à ce mot,