Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/634

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faire une grande offence, m’en ayant adverty secrettement, si je manquois à la commodité qu’elle m’en donnoit. D’abord qu’elle me vid, feignant, à cause de ses compagnes, que ce fust par rencontre et non par dessein : Quelle fortune, Hylas, me dit-elle, vous ameine en ce lieu où mes compagnes et moy pensions passer le reste du jour sans estre veues de personne ?

Cette feinte me fut grandement agreable, car c’est un des meilleurs signes qu’on puisse avoir d’estre aimé d’une dame, quand elle tasche de couvrir aux autres la recherche qu’elle sçait bien que l’on luy faict. Pour continuer donc son artifice, je respondis assez froidement : II est impossible, madame, que la fortune ne soit bonne qui m’a conduit icy, puis que j’y fais une si heureuse rencontre, mais elle seroit encores meilleure si j’avois le moyen de vous rendre à toutes quelque agreable service. Elles qui commençoient d’entendre un peu nostre langage, me remercierent assez mal, mais toutesfois le plus courtoisement qu’elles peurent ; et sans s’arrester plus long-temps aupres de nous, parce qu’elles avoient peine de m’entendre et de me respondre, s’espandirent par les divers promenoirs, et nous laisserent seuls ainsi que nous desirions.

Je la pris donc sous les bras, et commencasmes à nous promener, mais de peur qu’elle ne trouvast estrange cette privauté, je luy dis : Encore, madame, que ce ne soit pas la coustume du lieu