Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/661

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Clarine, luy dis-je, si cette victoire n’estoit desja gaignée, nous ne serions pas en la peine, où nous sommes. – Mais, me dit-elle, prenez garde que la victoire ne soit des deux costez. – J’ay plus de peur, luy dis-je, que la perte ne soit double que la victoire. – Ne parlons point de cela, me repliqua-t’elle, le Ciel vous aime trop pour vous traicter si rudement. Mais disons un peu, puis que vous avez eu la victoire, quelle rançon voulez-vous, que vostre vaincu vous paye ? – Le cœur, luy dis-je. – Mais, s’il vous donne le cœur, respondit-elle, il ne luy en restera point, et avec quoy voulez-vous que par apres il vous ayme ?

– Je luy donneray le mien, luy dis-je, au lieu de celuy que j’auray eu de luy. – Je vous asseure, reprit-elle en sousriant, que si cela est, ce sera bien le chevalier le moins hardy qui fut jamais, ou pour le moins le cœur que vous luy avez donné en eschange.

– Vous estes une causeuse, luy dis-je, vous m’entretenez de vos folies, et cependant le temps se perd, et celuy qui attend, le trouve bien long, je m’en asseure.

A ce mot, après avoir caché la lumiere, nous allasmes ouvrir la fenestre, où je ne fus pas plustost, que je vis Arimant appuyé contre le coin d’une rue qui respondoit à l’un des costez de nostre logis. Il avoit tellement l’œil sur la fenestre, qu’il nous fut impossible de l’ouvrir sans qu’il s’en apperceust, et qu’au mesme temps, il ne se vinst mettre au dessous, attendant que l’on luy jettast