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Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/680

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s’alentissent, et en fin s’assoupissent entierement. De sorte qu’aux maux de l’esprit, tout ce qui nous blesse a la proprieté du scorpion, qui porte la guerison de la blesseure qu’il a faicte. – Il y a si long-temps, interrompit Clarine, que vous estes hors de vostre patrie, et de quoy vous souvenez-vous maintenant d’en estre si fasché ? – Vostre voyage, dit-il, en souspirant, en est cause, qui m’en rafraischit la memoire. Ceux qui oyoient nos discours, ne les entendoient pas ; il est vray que si ma mere n’eust esté distraitte par les demandes et par les discours des deux compagnons d’Arimant, il ne faut pas douter qu’elle n’eust bien recogneu ce qu’il vouloit dire. Et toutesfois pour les interrompre, car elle oyoit bien que nous parlions ensemble, elle ne voulut leur permettre de passer plus outre quoy qu’ils dissent que leur chemin s’addressoit par là, mais elle les pressa de sorte qu’elles les contraignit de nous laisser. Je cogneus bien alors que c’est avec beaucoup de raison que l’esloignement de la personne aymée est dit une mort, non seulement à la douleur que je ressentis en cette separation, mais aussi à ce que devint Arimant ; car il perdit toute couleur, et presque le sentiment, demeurant de telle sorte hors de luy-mesme qu’il ne peut ny me dire adieu, ny à personne de la compagnie. Ce qui fut par ma mere expliqué à incivilité, et peut-estre à dessein, quoy qu’elle creust le contraire. Quant à moy, je scavois bien qu’en penser, espreuvant