Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/695

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Je demeuray deux ou trois jours de cette sorte, sans me souvenir du mouchoir où j’avois escrit avec le doigt de mon sang ; mais un matin que je commençois à me remettre un peu ; il me revint en la memoire, et parce que Clarine qui ne m’abandonnoit jamais m’ouyt souspirer, elle me demanda si je ressentais quelque nouveau mal. Le mal, luy dis-je froidement, est dans l’esprit. Mais, Clarine, dites-moy, je vous supplie, fustes-vous la premiere qui me trouvastes en l’estat où je m’estois mise ? – Et qui est-ce, me dit-elle, qui a plus de soing de vous ? – Je sçay bien, luy respondis-je, que c’est Clarine. Mais, continuay-je, puis que vous fustes la premiere, ne vistes-vous point un mouchoir qui estoit marqué de mon sang ? – Ah ! dit-elle, ouy, je l’ay veu, et vous, me faites souvenir que j’ay fait une grande faute, et à laquelle il faut remedier promptement. Car sçachez, dit-elle, ma maistresse, que le matin que ce mal-heur arriva, Arimant vous avoit escrit, et j’ay icy la lettre ; je venois toute joyeuse la vous apporter, mais, quand je vous trouvay en cet estat, je fus si surprise que je courois par la maison comme une folle, criant et me tourmentant. De fortune estant ainsi hors de moy, je rencontray celuy qu’Arimant vous avoit envoyé, qui, ne sçachant ce qui vous estoit arrivé, me pressoit d’avoir response. Je luy dis que vous estiez morte, et luy donnay le mouchoir duquel vous parlez, pour le porter à son maistre en tesmoignage de vostre