Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/737

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pour faire croire au pere que nous estions allez querir bien loing celle qui estoit avec nous.

Mais ne voilà pas le malheur qui voulut qu’en ce mesme temps Gondebaut, le roy des Bourguignons, ayant passé les Alpes avec une puissante armée, s’estoit jette par le costé des Coties dans le territoire des Taurinois et des Caturges, tellement à l’impourveu, qu’il les trouva tous sans deffenses, et sans soupçon de devoir estre attaquez ? Et par fortune, le lendemain que nous fusmes arrivez, il donna luy-mesme en cette ville, où tout ce que l’on peut faire, ce fut de fermer les portes contre la surprise des premiers. Mais, incontinent apres, toute l’armée arrivant, ce que peurent faire les habitans, ce fut de se rendre à quelques conditions si peu avantageuses, qu’ils n’amenderent leur marché en rien, sinon que les femmes, encores que prisonnieres, ne furent point forcées, ny les temples pillez comme on avoit faict ailleurs ; mais pour le reste tout fut à la discretion du soldat. O dieux ! Hylas, quelle cruauté de voir les filles emmenées captives d’entre les bras de leurs meres, leur tendre les bras en pleurant ! Mais, ô dieux ! quelle extreme et plus qu’extreme inhumanité, voir les femmes arrachées violemment des mains de leurs maris, sans, que les prieres, les supplications, les larmes, ny les offres de tous leurs biens les peust rachepter !