Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/754

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d’avantage ; mais le matin estant venu, elles juroient toutes deux, que l’on alloit au temple plus tard que de coustume. En fin l’heure tant désirée estant venue, elles s’y acheminerent toutes ensemble, et Dieu sçait si Cryseide avoit les yeux de tous costez pour essayer de voir Bellaris ! Elle n’eut pas plustost pris de l’eau lustrale en entrant dans le temple, qu’elle le vit tout aupres du vaze, où il s’estoit expressement arresté, pour se faire mieux voir quand elle passeroit. Cryseide s’approchant tant qu’elle peut de luy, n’eut loisir en passant que de luy dire : Clarine me suit. Il entendit aisément qu’elle vouloit qu’il parlast à elle, et jugeant aussi que c’estoit ce qu’il pouvoit faire de mieux, pour ne point donner de soupçon, il prit garde quand elle passa, qui fut quelque temps apres les dames. Et parce que ces filles marchoient sans ordre, il se mit dans la confusion et s’approchant d’elle, qui l’avoit desja remarqué, il luy dit en marchant, et sans la regarder : Où pourray-je vous voir, où madame ? – Au jardin de l’Athénée, dit-elle, si nous y allons ce soir. Mais que fait Arimant ? – Il est, dit-il, en bonne santé.

A ce mot elle haussa les yeux au Ciel, et sans avoir le loisir de luy respondre, passa outre, pour ne donner soupçon à ses compagnes.

En mesme temps Bellaris s’en va par la ville, s’enquiert discrettement où estoient les jardins de l’Athénée, essaye de sçavoir