O dieux ! s’escria-t’il, et n’est-ce pas Cryseide que je voy ? O mere infortunée ! et comment auras-tu supporté cette perte ? Et lors, parlant toujours italien, et mettant un genouil en terre devant elle : Madame, luy dit-il tout haut, serois-je pas le plus heureux homme du monde ? si je pouvais vous rendre quelque service, y estant obligé de tant de sortes, que j’estimerois toute la perte que j’ay faite pour bien employée, si je pouvois avoir ce seul contentement, la nourriture que j’ay eue en vostre maison me le commandant ainsi si je ne veux estre le plus ingrat qui vive.
Cryseide, qui, pour estre surprise, ne sçavoit comme elle devoit parler, demeura un peu interdite, et cela fut cause que ceux qui les gardoient en eurent moins de soupçon. Et parce que Bellaris s’apperceut bien qu’elle estoit surprise, se relevant : Et comment, madame ? il semble, dit-il, que vous ne vous souvenez point du pauvre Bellaris qui a esté eslevé et nourry si longtemps aupres de vous, et qui ne vous eust jamais laissée, si ce vain desir de servir les hommes, parce qu’ils voyagent, et vont voir les pays estrangers, ne m’eust fait suivre le noble et généreux Marciante. – Hé ! Bellaris, mon amy, s’escria Cryseide alors, comme le recognoissant, et qui eust jamais pensé de te voir icy ? puis que je te tenois par delà les Pyrénées avec Marciante, ton bon maistre. Et qu’est-ce qui t’a conduit icy, et qui t’y