Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/761

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en mon giron.

Je ne vous dis pas icy, madame, les regrets que je faisois autour de luy et combien de pleurs je respandis dessus. Enfin les dieux voulurent qu’il revint, mais ouvrant les yeux il se trouva bien esbahy de se voir où il estoit. Craignant alors que cest estonnement ne luy fist mal, je luy dis : Courage, seigneur, les dieux nous sortiront bien encores de ceste fortune. – Les dieux, me dit-il, Bellaris, sont bons, mais ma destinée est si mauvaise que je ne dois esperer pour mon repos que la mort. Mais, Bellaris, qu’est-il de Cryseide ? – Cryseide, luy respondis-je, est sauvée ; la femme de ce roi bourguignon, qui le suit partout, a fait mettre toutes les femmes dans le temple pour empescher le desordre, et particulierement l’a retenue aupres d’elle. – Que les dieux, dit-il, vueillent recognoistre envers cette royne cette bonne œuvre par toute sorte de bonne fortune. Je feignois, madame, ce que je luy disois, parce qu’autrement il fust mort de desplaisir. – Mais, seigneur, luy dis-je, ne voulez-vous pas vous efforcer ? – Si feray, dit-il, car Cryseide estant hors de danger, il n’y a plus rien dequoy je me soucie.

Alors, quoy qu’avec un peu de difficulté, je le mis sur ses pieds ; mais à peine estions-nous debout que nous ouysmes quantité de gens de guerre qui se disputoient à la porte de cette escuyerie, et peu après mettant l’espée en la main, commencerent de se battre entr’eux,