Aller au contenu

Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/783

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

O dieux ! s’escria-t’il, est-ce bien toy, mon amy ? – C’est moy, dit-il, seigneur, moy, dis-je, que les dieux ont voulu delivrer, afin que je vous puisse rendre encore quelque bon service. – O dieux ! dict le chevalier, vueillez par vostre bonté moderer ces bon-heurs par quelque legere fortune, car en voicy trois trop grands pour estre continuez : voir Cryseide en liberté, en bonne santé, et entre mes mains ; me voir sorty de prison, et en fin te pouvoir embrasser, mon amy, lors que je pensois t’avoir perdu pour si long-temps. A ce mot, le prenant par la main, il le mena vers Cryseide, et luy raconta ce qu’il avoit faict pour se sauver, et l’extreme peril où il s’estoit mis. Et lors qu’elle et le chevalier vouloient entrer sur les remerciemens, il les interrompit, disant : Laissons ces paroles, seigneur, je suis plus obligé de vous servir que je ne le pourray jamais faire, et ne perdez point le temps qui vous doit estre si cher. Je crains que l’on ne vous suive ; sortons de cette ville, et faisons chemin, à loisir je pourray vous raconter comme je suis eschappé.

Cryseide jugeant qu’il disoit vray, s’habilla en si grande diligence, que les chevaux à peine furent prests, qu’elle estoit desja au bas de l’escalier pour faire voyage. Arimant la mit à cheval et Bellaris Clarine ; et apres avoir bien contenté leur hoste, Arimant prit le cheval de son fidelle Bellaris, et ainsi se mettent en chemin avec leur guide, qui desja s’estoit grandement affectionné à Cryseide,