Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/802

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des dieux et qu’ils ne l’eussent escrit dans l’ordre infaillible du destin, c’est sans doute qu’il y auroit long-temps que cette affection seroit perie, pour les grandes et incroyables traverses que la Fortune nous a données. Au commencement, les parens qui avoient puissance sur nous ; depuis, Rithimer, que tu sçais estre si puissant ; et en fin tes armes, qui non seulement m’osterent la liberté, mais m’arracherent, je puis dire, d’entre les bras de mon mary, tel puis-je nommer celuy auquel j’ay promis mariage, prenant la nopciere Juno et Hymen, pour tesmoings de nos promesses reciproques, et pour justes punisseurs de celuy qui manqueroit à ces serments.

Que si je ments en ce que je dis, je prie ces deux fidelles Amants qui reposent en ce tombeau, et desquels les ames jouyssent avec les dieux du loyer de leur fidelle amitié, qu’ils me punissent plus rigoureusement qu’autre que la justice divine ait jamais chastié ; mais aussi, si je dis vray, je les conjure par ceste inviolable amour qu’ils se sont portée, de vouloir monstrer en toy leur puissance, en obtenant des dieux qu’ils te changent le courage et te divertissent ailleurs la pensée.

Et toy, ô grand et genereux prince ! sois certain qu’il ne reste plus sur moy que la force, à laquelle, si tu en veux user, ce que je ne croy point de ta magnanimité, je m’y opposeray avec ce couteau duquel je chasseray ceste ame de mon corps, et ne laisseray en ta puissance que ce cadavre