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Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/808

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ait personne si hardie de luy faire desplaisir, jurant sur l’ame de mon pere que le premier qui y contreviendra n’aura jamais ny grace ny pardon de moy. Et lors se tournant vers Arimant : Et bien ! estranger, es-tu content de moy ? – Ouy, seigneur, dit-il, plus qu’homme du monde. Alors se tournant vers ses solduriers : Prenez-le, dit-il, ce hardy mespriseur de mon courroux, et qu’on le mette aux supplices, jusques à ce qu’il meure, afin que les autres temeraires comme luy apprennent à son exemple à redouter les traicts de mon ire.

Arimant alors, d’un visage joyeux, tendit les bras aux liens, et seulement se tournant vers Cryseide, qu’il vit pleurer : Ne troublez point, madame, je vous supplie, luy dit-il, le repos de mon ame par vos pleurs, et croyez que mes jours ne sçauroient jamais estre mieux employez, qu’en donnant à vous la liberté, et vous aux vostres. Cryseide alors se jettant en terre : O liberté ! s’escria-t’elle, trop cherement vendue, pourquoy ne puis-je avec une eternelle prison te conserver la vie, que ton affection te fait perdre au plus beau de ton aage ? Mais va seulement, Arimant, je te suivray bien-tost, et puis que je suis en liberté, je feray cognoistre que je scay aussi bien mourir pour te suivre, que toy pour me sauver l’honneur.

Cependant qu’elle parloit ainsi, et qu’Arimant la conjuroit par leur amour, de vivre autant qu’il plairoit