Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/821

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d’autant plus estimables, qu’ils sont accompagnez de peines, et de dangers. Ce ne sont que les courages genereux qui mesprisent les commoditez et les incommoditez, pour ne se dementir de leur devoir, et pour parvenir à l’accomplissement de leurs desseins. – Ce ne sont, dit Hylas, que les esprits peu sages qui courent apres l’ombre du bien, et laissent le bien mesme. Arimant n’est-il pas bien obligé à ceste constance qui, jeune, l’a engagé au service de Cryseide, et vieux, par apres la luy a donnée ? c’est donner à un chien qui n’a point de dents un os qui est bien dur à ronger. N’eust-il pas mieux valu pour ce gentil chevalier qu’il fust demeuré dans Eporede, pour la consolation de ce pauvre pere qui l’aimoit, que non pas le faire mourir de douleur, ou pour le moins rendre ses vieux jours si pleins de tristesse, et d’infortunes, que la mort luy devoit estre plus agreable ? Et pour le propre contentement qu’Arimant eust peu avoir, penses-tu que dans toute la ville il n’y eust point de fille que Cryseide ? He ! Silvandre, mon amy, quelle folie est celle-là de vouloir perdre son temps et son repos pour une marchandise si peu rare qu’une fille ? S’il eust suivy mes loix, deslors que tant de difficultez s’opposerent à ses désirs, il les eust sagement tournez ailleurs, et se fust addressé à quelqu’autre de laquelle la conqueste n’eust pas esté si penible, et si peu utile.