Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/87

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les leurs, feignant de le faire sans dessein.

II advint qu’estans sortis du bois, et ayans passé Lignon sur le pont de la Bouteresse, le chemin s’eslargit de sorte qu’ils pouvoient aller plusieurs de front, ce qui donna commodité à Phillis d’appeller encore Lycidas aupres d’elle. Et voyant que Silvandre estoit pour lors contraint d’entretenir Hylas : Et bien ! Silvandre, (luy dit-elle fort haut, afin d’interrompre plus honnestement Paris) à vostre advis, qui a rencontré meilleure place de nous deux ? – Je croy, respondit le berger, que celle que j’ay dés long-temps est la meilleure. – Vous auriez, dit Phillis, des fortes raisons, si vous me faisiez advouer ce que vous dites, et vous auriez fort peu d’affection si vous le croyiez ainsi. – La verité, respondit froidement Silvandre, ne laisse d’estre vraye, encore qu’on ne la croye pas, si bien que quelque jugement que vous fassiez, ou de la place que je tiens, ou de l’affection que je porte à Diane, il ne peut les changer ny rendre autres qu’elles sont ; car il n’est pas plus vray que Phillis est Phillis, que la place que je tiens est meilleure que la vostre. – J’ay tousjours ouy dire, adjousta Phillis, que plus on est prez de la personne aymée, et plus l’amant se contente. – Vous avez, repliqua le berger, ouy dire la verité. – Toutesfois, continua Phillis, me voicy prez de Diane, et il me semble que vous en estes fort esloigné. – J’en suis encore plus pres que vous, respondit-