Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/879

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car nostre sexe estant infiniment plus parfaict que celuy des hommes, il faut qu’en cette qualité tu me cedes, et que tu confesses que j’ay cet advantage par dessus toy, et pour lequel je dois estre plus aimée. Que quand toutes ces choses ne seroient point, n’est-il pas vray, Silvandre, que les déguisemens, les feintes et les dissimulations recogneues ne sont jamais cause de faire naistre l’amour ? Et toutesfois, penses-tu que cette belle Diane ne sçache asseurément que toutes ces recherches que tu luy fais, tous ces devoirs que tu luy rends, et bref toute cette affection que tu t’efforces de luy faire paroistre, ne sont que pour la gageure que nous avons faite, et ne procedent que du desir que tu as de me vaincre, et non pas des perfections ny de son beau visage ny de son bel esprit ? Il me semble que je t’ois desja respondre que cela est vray, mais que cette raison est de mesme contre moy, puis que la gageure estant reciproque, toutes les demonstrations que je luy fais de mon affection, peuvent avoir le mesme defaut et le blasme. O berger ! que tu te trompes ! puis que long-temps avant que nostre dispute fut commencée, je l’aymois veritablement, et je sçay que de mesme j’estois aimée d’elle, ce qui ne se peut dire de toy, qui ne fais que de venir parmy nous, et n’as jamais tourné les yeux sur bergere quelconque pour l’aymer, tant s’en faut que tu ayes osé regarder celle-