Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/894

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vous n’avez point d’advantage par dessus moy, au contraire, je pense que si toutes choses sont bien considerées, je l’auray par dessus vous, puis que la demeure que vous faictes aupres d’elle, c’est seulement le jour, et encore de ce temps-là vous en employez une grande partie hors de sa presence, soit aux affaires de vostre maison, ou à d’autres divertissemens, desquels vous ne pouvez vous desrober, et par ainsi bien souvent ce que vous donnez à ma belle maistresse, c’est la moindre partie du jour. Mais moy, au contraire, quand est-ce que le jour me surprend que je ne sois aupres d’elle ? Quand est-ce que la nuict me vient trouver ailleurs ? Et quels divertissemens m’en peuvent separer ? Il faut, bergere, que vous sçachiez que tant s’en faut que ces choses qui sont hors de moy, m’ayent peu trouver en autre part qu’avec elle, que moy-mesme je ne me suis jamais pris garde d’avoir esté en quelqu’autre lieu depuis que j’ay commencé de l’aymer continuellement.

Phillis ! je la voy, continuellement je la contemple, et continuellement je l’adore, et vous pouvez dire que vous estes plus souvent aupres d’elle que je ne suis ? O bergere ! ostez ceste opinion de vostre ame, et croyez qu’elle-mesme n’y a peu estre plus souvent que moy, et si je ne craignois de dire trop et par dessus la creance de la plus grande partie de ceux qui m’escoutent, je dirois avec verité que je suis encore plus souvent aupres d’elle