Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/914

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bien que cette dispute ne se termineroit pas facilement, il leur dit que l'on ne laisseroit d'en parler par les chemins, et que ce seroit un passe-temps pour en adoucir l'incommodité, et pour en accourcir la longueur.

Et cela fut cause que l'on n'eut pas plustost commencé de marcher, que Phillis attaqua le berger, luy disant : Et bien, Silvandre ! que te semble-t'il du jugement de Diane ? où est l'outrecuidance qui te persuadoit de pouvoir obtenir quelque advantage par dessus moy ? - Bergere, respondit froidement Silvandre, je n'ay jamais esperé d'en tant avoir que nostre maistresse m'en a donné, mais aussi je soustiendray bien qu'il n'y eut jamais un jugement prononcé avec plus d'équité, ny avec une plus meure consideration que celuy duquel vous parlez. - Et quoy ? berger, adjousta Phillis en sousriant, vous croyez que Diane vous ait advantagé par dessus moy ? - Et qui peut en douter ? respondit Silvandre, il faudroit bien avoir peu de jugement pour n'entendre pas son jugement. - Quant à moy, reprit la bergere, je ne l'entends pas seulement, mais aussi je l'admire, car j'entends fort bien que j'ay obtenu par luy la victoire de la gageure que nous avions faite, et j'admire qu'il n'y eut jamais jugement comme celuy-cy, puis qu'il contente les deux parties, ayant tousjours ouy dire qu'en tous les autres l'une se plaint et l'appelle injuste. - En cecy, comme en toute autre chose, respondit Silvandre, se monstre le bel esprit de Diane. - Et toutesfois, dit Phillis,