Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/931

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donné pour nous representer ce qui est de l'amour, tout ainsi qu'il n'y a qu'un soleil, aussi ne devons nous avoir qu'un amour. - Et toy, berger, dit Hylas incontinent, tu te souviendras qu'il n'y a pas long-temps que tu es en vie, puis que tu dis que c'est amour qui la donne à toutes les ames, car n'ayant rien aimé que cette bergere et n'ayant que trois ou quatre lunes que tu as commencé, ou ce que tu nous contes est faux, ou tu ne vivois pas il y a fort peu de temps. Mais si cela est, enseigne-nous, je te supplie, Silvandre, comment tu faisois, estant mort, à conduire tes troupeaux, à aller à la chasse, à parler, à chanter, à courre et à luiter ? Car je serois bien aise d'apprendre cela de toy, afin que j'en puisse faire de mesme quand je seray mort, parce que j'en ay veu d'autres que l'on met au feu, et d'autres que l'on enterre, et ceux-là me faisoient peur quand je les voyois. Mais toy, j'advoue que tu estois le plus gentil mort qui fut jamais, et que si je pensois estant mort, faire comme tu faisois avant que tu fusses amoureux, je ne me soucierois pas tant de mourir que j'ay fait jusques icy.

Silvandre alors en sousriant : Il faut par force, dit-il, rire des discours d'Hylas, mais encore faut-il leur respondre. Il est vray qu'amour est la vie de nostre ame, si on l'entend comme il se doit, mais pour cela il faut que tu sçaches, Hylas, que nous considerons deux sortes de vie en l'ame. L'une, celle qu'elle vid avec le corps, et l'autre avec elle-mesme.