Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/958

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Celle-là mesme, repliqua-t'elle, qu'elle a de me donner aussi à quelqu'autre, quand elle voudra. - J'aymerois donc mieux, reprit alors Silvandre en sousriant, esprouver sa liberalité que la vostre. - Ce vous doit estre assez pour cette fois, dit Leonide, que Diane, pour monstrer l'entiere victoire que vous avez obtenue aujourd'huy, outre les marques que vous en avez, vous remette en fin comme pour prisonnier cette Phillis, vostre ennemie. - Voyez, madame, luy respondit Silvandre, comme les bergers de Lignon sont faicts, je m'estime de ce nombre; j'aymerois mieux estre prisonnier de celle qui me donne cette victoire, à la charge de ne bouger jamais d'aupres d'elle, que d'estre vainqueur de cette ennemie que l'on me remet entre les mains.

Phillis vouloit respondre, lors que Lycidas survint pour la conduire ainsi qu'il luy avoit promis ; et elle alors, se demeslant des mains de Silvandre : Or voyez, mécognoissant berger, luy dit-elle, comme le Ciel vous punit ! je n'ay plus affaire de vous, et pour avoir la victoire que vous vouliez changer à une autre, souvenez-vous qu'il vous faut bien avoir de meilleures armes. Et à ce mot, donnant le bon soir à Alexis et à Leonide, elle alla baiser Astrée et Diane, bien marrie, à ce qu'elle disoit, de les laisser, mais contrainte à faute de place ; et se retirant en sa cabanne, elle y fut conduite de Lycidas et de Silvandre qui ne cesserent tout long du chemin de se faire la guerre