Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/997

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c'est sur ce poinct, ma chere sœur, que je vous veux demander conseil, et que je vous supplie de me le donner, car, estant fille comme elle, vous sçavez mieux juger de ses intentions que moy, à qui la passion peut en cela troubler beaucoup le jugement.

J'ay voulu tenter diverses fois de sçavoir sa volonté, et la derniere a esté au logis d'Adamas, lors que nous nous promenasmes si long temps ensemble. Je me plaignis de voir tous mes services si mal receus et presque inutiles, et monstray d'en avoir un tres-grand ressentiment; elle me respondit avec toute sorte de courtoisie et de civilité, et parce que je repliquay que ce n'estoit ny civilité ny courtoisie, mais amour que je recherchois d'elle, apres quelques autres discours, elle me respondit qu'elle m'honoroit autant qu'homme du monde, et qu'elle m'aymoit comme si j'estois son frere, me faisant entendre que, comme fille, elle ne pouvoit faire rien d'avantage. Mais lors que je repliquay que mon dessein estoit de l'espouser, et qu'en cela toute sorte d'affection luy estoit permise, elle me respondit : J'ay des parens qui peuvent disposer de moy, et c'est à eux à qui je remets semblables resolutions. Jusques icy il n'y avoit rien qui me deust contenter, mais, ma sœur, oyez ce qu'elle y adjousta : Et si vous voulez sçavoir ce que j'en pense, sçachez, Paris, que ny vous, ny personne ne m'en a donné, ny ne m'en donnera jamais la