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Page:Uzanne - Contes pour les bibliophiles, 1895.djvu/19

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III


M. de Coudray quitte la charmille à son tour, laissant bien en vue sur la table l’Almanach des Muses ouvert à la page 127, ou se trouve le tendre distique suivant :

Oh ! puisse dans tes yeux une larme rouler,
Qui brillera d’amour et n’osera couler !

Il est parti ; il s’égare mélancoliquement dans le parc et baisse la tête en passant devant le triomphant Cupidon du temple de l’Amour. Bourgogne-Cavalerie est bien ému ; se peut-il, fier dragon, qu’un simple trait de l’archer malin vous désarçonne ainsi et vous mette aussi complètement l’âme à l’envers ? — Il revient le cœur troublé vers la charmille et sursaute en trouvant Sylvie en train de crayonner la réponse :

Vous qui vantez l’amour fidèle,
Cœurs sensibles et généreux,
Venez admirer le modèle
D’un amour tendre et malheureux.

Et le dialogue reprend :

j’eus beau fuir, j’emportai le trait qui me déchire !

répond M. de Coudray, avouant ainsi des torts dont nous ne connaissons pas le détail, mais qui sans doute ne parurent pas inexpiables, car Sylvie s’attendrît bien vite, et elle souligne dans Sophie abandonnée, chanson de M. Carnot, capitaine au corps royal du génie, les deux vers suivants :

Loin de ta fidèle Sophie.
En vain, ingrat, tu cherches le bonheur…

Et de Coudray de s’écrier bien vite :

Et si tu l’aimas une fois,
Tu ne pourras plus aimer qu’elle !

Mais Sylvie soupire encore, un reste de tristesse au cœur :

Ah ! peut-on être heureux lorsqu’on est infidèle ?

Bourgogne-Cavalerie s’aventure alors, du moins il est permis de le