Le bon ambassadeur souriait en faisant malicieusement cet à peu près classique sur le nom du plus célèbre tireur d’Angleterre.
Ainsi entraînés aux exercices du corps, continua-t-il, assurés de leur force physique aussi bien que de leur fortune considérable, les deux frères Magrin, tous deux célibataires et qui ne se quittaient jamais, entreprirent le déjà traditionnel tour du monde, qui bientôt sera si facile qu’il remplacera les voyages de noces en Suisse, en Italie ou en Écosse.
Avec le défaut mignon qu’ont mes chers compatriotes de vouloir détenir le record de tous les sports, les frères Magrin crurent devoir étonner l’univers de leurs prouesses. Leur volonté, plus forte encore que leur vanité, leur but bien établi, l’inflexible détermination qu’ils avaient de l’atteindre, leur rirent accomplir de surprenants exploits modernes, de ces exploits qui consistent à biffer le mot impossible des dictionnaires géographiques et le qualificatif inaccessible de la description des montagnes égratigneuses de ciel.
Pendant plusieurs années, il ne se passa guère de semaines sans
que les journaux du Royaume-Uni et ceux d’Amérique n’enregistrassent
de stupéfiantes actions
accomplies par l’un ou
l’autre des deux frères ;
on les signala dans les
Alpes, plantant le drapeau
anglais sur des
cimes jusqu’alors vierges
de toute empreinte
humaine, dans les
monts de l’Atlas cherchant
le lion, en Amérique
gagnant sur leur
racer des coupes d’argent
aux régates de
Newport, à Java massacrant
des troupeaux
de rhinocéros et de
crocodiles, partout
vainqueurs des êtres et
des choses, hercules
qui n’auraient su nombrer
leurs travaux, tant ils étaient variés, compliqués, et, je dois ajouter,
inutiles au progrès social ou aux besoins réels de la civilisation.
Ce fut à Bombay que je les connus ; j’admirai leur beauté de fiers acrobates et je m’employai à servir leur passion en organisant pour eux