de Cluny les tapisseries de la dame de la Licorne, du pur xve siècle français, et considérez ensuite telles images japonaises de la bonne époque, et vous conclurez avec moi que c’est le même art large et franc, les mêmes contours un peu raides et les mêmes teintes plates étalées sans grand modelé ; feuilletez les vieux albums japonais, et rappelez-vous nos manuscrits enluminés, nos premiers essais de gravure sur bois et nos premiers livres imprimés, eh bien, les anciens artistes japonais eurent évidemment sous les yeux des manuscrits enluminés de notre moyen âge ; leurs premiers maîtres furent peut-être des Chinois, mais les seconds, ceux qui déterminèrent la brusque éclosion d’un art plus sain et plus libre, dégagé des formes vieillottes et falottes de l’art chinois, furent tout simplement de braves enlumineurs ou ymaigiers des Gaules… Paradoxe, dites-vous ? Plait-il ? Supposition amusante, mais dépourvue de tout étai raisonnable ? Vous verrez tout à l’heure ! Même si je n’avais pas mes preuves…
— Authentiques, dit à ce moment M. Ogata Ritzou, archives de ma maison…
— Aussi indiscutables que les chartes de nos archives nationales ! Même sans ces preuves victorieuses, je pourrais soutenir la discussion ; il me suffirait d’étaler en ordre chronologique une suite d’albums japonais, partant des paysages d’Hiroschigué, des caricatures de Hokkeï, des étincelantes, étourdissantes et bien japonaises conceptions de l’illustre Houkousai, — un génie universel, celui-là, un géant qui peut crânement se placer dans le panthéon de l’art à côté des plus grands artistes européens de tous les temps, — et remontant par les productions d’Yosai, Outamaro, Shiounsho, Soukenobou, Motonobou, aux plus anciens livres, puis aux plus anciens albums connus, pour dégager peu à peu les traces de la filiation et retrouver le point de départ sous les capricieuses et poétiques étrangères de la fantaisie ou, si vous voulez, de l’esthétique japonaise. Donc, au Japon, l’art part du même point que chez nous, mais, prenant un chemin différent, arrive à des résultats différents…
— Chez nous, pas de formule ni de règle, ou plutôt une seule : interprétation de la nature avec toute liberté dans les moyens, interrompit Ogata Ritzou ; nous suivions la bonne route…
— Heureusement pour vous, elle ne passait point par Rome, reprit Me Larribe. Mais reprenons notre discussion. Avez-vous déjà médité, mon ami, devant des armures japonaises, non pas des armures de paco-