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Page:Uzanne - Contes pour les bibliophiles, 1895.djvu/86

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III


« Êtes-vous édifié maintenant ? me dît Me Larribe, pendant que Me Ogata Ritzou rangeait soigneusement les livres d’heures de son ancêtre européen, ses chartes, ses albums et papiers de famille.

— Complètement.

— Ai-je suffisamment établi le bien-fondé de ma thèse et les droits de mon ami Ritzou à relever, s’il y prétend, le nom et les armes des Coucy ?

— Diable ! N’allez-vous pas réclamer aussi le château, entré depuis si longtemps dans le domaine de l’État ?

— Non, répondit très sérieusement Ritzou, je n’aime pas les procès, — pour moi du moins, — je ne suis pas venu en Europe pour réclamer le château de mes pères ; j’ai des goûts simples, je gagne convenablement ma vie et l’on reviendra peut-être un jour sur la confiscation de mes biens au Japon… Mon véritable but en venant ici avec mon maître et ami Larribe, c’est…

— C’est ?

— C’est de trouver un éditeur pour un roman de chevalerie franco-japonais consacré aux aventures de mon aïeul, roman qui paraîtrait en vers japonais à Yokohama et en prose française à Paris, avec une illustration dont je fournirais, vous le savez, facilement les éléments…

— Ne vous sauvez pas, dit Larribe, ce roman-poème est écrit, mais nous ne le lirons pas, vous en connaissez le résumé… Nous vous renverrons quand il paraîtra, enveloppé dans ma thèse…. J’espère cependant que vous viendrez aux conférences que je me propose de faire sur l’histoire, l’art et les mœurs du Japon ?

— Parbleu Et vous ne retournerez pas au Japon ?

— Non, je suis très suffisamment riche, j’ai rapporté de là-bas quelques petites rentes que j’ai l’intention de manger avec…

— Malheureux ! avec de folles danseuses ?

— Non, avec des bouquinistes ! J’ai divorcé avec la jurisprudence. Mon cœur appartient désormais aux beaux-arts et mon âme à la littérature. Je suis un vieux garçon bien sage et bien rangé… Mais, si mon ami Ritzou y consent, j’ai des projets sur lui. Le descendant des Ogata de Fioko et des sires de Coucy, quel parti magnifique et séduisant ! Des quartiers de noblesse en Europe et en Asie, de la noblesse à en revendre ! Deux superbes collections d’aïeux comme pas une maison prîncîère n’en peut montrer, deux races héroïques résumées en lui, les plus belles pages dans l’histoire de France et dans l’histoire du Japon ! S’il y con-