signale l’Histoire et les historiens, ces narrateurs de vérités dramatiques
et sanglantes qui, malgré toute la froideur des documents accumulés,
apparaissent plus invraisemblables que les légendes les plus imaginaires.
Vous vous arrêtez en ce moment devant les philologues et les bibliognostes…
J’ai tout Gabriel Peignot et le bon Nodier, l’austère J. Brunet
et le ponctuel Quérard ; je vous avouerai que je les ai maintes fois annotés,
les ayant surpris en péchés mignons, mais… errare humanum ! Vous
Vignette des Orgies d’héliogabali.
avancez hardiment et vous n’avez
point tort, vous faites face, cher
Monsieur, aux romanciers et plus
particulièrement aux Romantiques
dont mon catalogue signale plus de
500 ouvrages, parmi lesquels, et
c’est là ma fierté, plus de trente
publications très curieuses sont totalement
inconnues à vos Asselineau
et autres Romanticographes. »
« Des oubliés, poursuivit-il ; mais notre foisonnante littérature possède, on peut le dire sans paradoxe, presque autant de génies et de talents ignorés ou dédaignés que de grands hommes reconnus ; il s’agit de les découvrir et de ne relever, dans ses recherches, que de son propre jugement. — À l’âge romantique, Hugo le Tiran s’est dressé si puissamment et si hautement dans la poussée des lettres, comme un chêne miraculeux, qu’il a englouti dans son ombre portée nombre d’écrivains exquis et vigoureux qui se sont éteints et alanguis loin du soleil de la publicité. »
Durant toute cette après-dinée le vieux Lieutenant de Louveterie s’était montré étourdissant aussi bien comme lettré que comme bibliophile. Il me tirait de ses rayons des exemplaires d’auteurs étranges et obscurs de nom, dont il déclamait largement des pages superbes qu’il semblait avoir apprises de longue date ; il chantait des sonnets sonores, claironnait des stances guerrières, susurrait des idylles fraîches de Jeunes-France totalement inconnus, et, bouleversant avec une ardeur fougueuse les étages de sa bibliothèque, il me sortait avec joie des exemplaires frontispices de bizarres eaux-fortes et de mirifiques lithographies, lançant avec fièvre ce cri du possesseur :
« … Et celui-là, vous l’ignoriez !… Un superbe Nanteuil et de la bonne époque ! — mais ce n’est rien encore ; regardez ceci : quel truculent