Aller au contenu

Page:Uzanne - La Reliure moderne.djvu/262

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

et des petites bouquineries; il ne se montre point difficile en ses transports et tout lui est bon , car en réalité, pour certains esprits , tout peut être intéressant, bien que bizarre, singulier ou paradoxal. Le Bouquineur est bohème dans sa manie, et fait preuve d’une fougue toujours inassouvie, il trousse toutes les cottes de veau fauve ou les cottes de basane salies par la poussière ou les intempéries ; il passe de la brochure à la demi-reliure ravalée, du libelle au dictionnaire, de l’eucologe au grimoire, du roman à l’histoire, mais partout il picore dans le texte ; il furette à la table, il effleure les préfaces, il goûte à tout ; il possède dans son crâne toute une bibliothèque incohérente, et sa maison est une tanière où les livres montent à l’assaut des corniches avec le désordre et le tohu-bohu d’une prise de ville moyen âge crayonnée par Gustave Doré. C’est à cette classe des Bouquineurs qu’appartenait l’illustre notaire honoraire A.-M.-H. Boulard, écrivain aujourd’hui inconnu, bien qu’auteur de plus de quarante publications diverses, et qui avait encombré ses divers immeubles d’environ trois cent cinquante mille volumes achetés à la toise sur les quais de la Seine.

Le Bibliomane bouquineur se garde soigneusement de faire relier ses livres ; peu lui chaut qu’ils présentent l’aspect le plus sordide ou le plus lamentable ; il conserve les dos brisés, les coins délabrés,