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Page:Uzanne - La Reliure moderne.djvu/287

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être artiste, de même qu’on peut être très bon amateur sans être précisément connaisseur.

Le Bibliophile artiste — rara avis — est généralement doublé d’un bibelotier fureteur, et n’aime à suivre que son instinct et son tact visuel. Non seulement il se plait à concevoir sa bibliothèque de telle façon que chacun de ses livres doit exprimer par sa décoration extérieure l’esprit même de son texte, mais encore n’entend-il point passer sous les fourches caudines de la routine et pense-t-il qu’il existe d’autres vêtements pour le livre que l’éternel maroquin, le veau, le chagrin et la toile dite à l’usage des relieurs. — Il possède la science, dans ses flâneries du bric-à-brac, de dénicher de jolies soieries anciennes d’un ton doux, harmonieux, tendrement flétri ; des velours de Gènes à petites fleurettes, des peluches fines comme peau de pêche, et des cuirs souples, patinés par le temps et frappés d’adorables arabesques. Tous ces lampas, ces satins brochés à ramages, ces Bariga de l’Inde, ces légers tissus de Brousse, ces buratines de Perse, ces damasseries et ces brocatelles, le Bibliophile artiste sait en tirer parti ainsi que de toutes les merveilles du Japon : cuirs, papiers, crépons, laques et émaux.

Le Connaisseur, lui, n’a pas l’étoffe d’un coureur d’antiquités ; il est plutôt entraîné à enrichir l’intérieur de ses livres ; c’est un raffiné collectionneur d’épreuves d’artiste et d’avant toute lettre et toutes