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Page:Uzanne - La Reliure moderne.djvu/29

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s’y enlise, on s’y perd, on s’y noie. Pour s’atteler à cette lourde chose, il faudrait le loisir,… et le loisir où cela se vend-il aujourd’hui pour les gens de labeur ? Les desœuvrés ont tout accaparé ! — Renoncez donc à me rallier à votre idée, et, croyez-moi : adressez-vous plutôt à quelque érudit pratique, qui fera mûrir votre conception au soleil de ses recherches et vous procurera cette étude à mille facettes, sérieuse, fouillée, recommandable, que je voudrais pouvoir entreprendre, mais que je suis absolument hors d’état d’exécuter à mon honneur. »

Rouveyre, impitoyable, ne semblait point convaincu ; il ne fit qu’une fausse sortie ; le lendemain il revenait à la charge, puis le surlendemain, me demandant une trentaine de pages, une façon de grande préface que j’accordais en le maudissant de tout cœur ; enfin, peu à peu, le traître me montrait insidieusement « ses specimens de reliure », ses combinaisons de planches, ses tirages, ses titres, faux titres et le reste ; il me tentait, le monstre ! il m’amorçait, il m’amadouait avec tous les gâteaux de miel d’une typographie soignée ; à ce jeu, je ne pouvais résister… Après un mois de lutte, à bout de forces, je devenais son complice, je m’abandonnais pieds poings liés, j’en arrivai même insensiblement à prendre goût à l’agencement de l’ouvrage, à fournir des types de volumes tirés de ma bibliothèque, et, sur