Page:Uzanne - Son altesse la femme.djvu/123

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Mélissandre est belle, j’advoueray qu’elle le fust, mais l’âge est venu ; les roses sur son visage se sont transformées en couperoses, et, bien que son air soit assez revenant, que ses yeux gris de Minerve soient provocants, que ses cheveux chastains soient tordus avec grâce sur un front plus bombé que large, que sa gorge soit honnestement placée et bien guarnie comme bastions, alors mesme que ses bras grasse- lets se montrent modelés de manière exquise, je ne sçaurois tomber d’accord sur sa beauté parfaicte ou plustôt, sur ce qu’en stile pictural, on entend par la distinction des lignes. La beauté de Mélissandre fust tousjours vulgaire ; elle expose la plantureuse carnation de Marotte ou de Martine, l’allure carrée des servantes picardes et l’imagination se plaist à la resver dans son cadre véritable, parmy le va-et-vient des vastes auberges de campagne, margaudant avec de joyeux rustres.

« On ne sçauroit dire comment Mélissandre s’est resvélée peu à peu à Lutèce. Veufve par deux fois, — ayant tué deux maris sous elle, eust dit Monsieur de Bassompierre, — elle tint salon politique ou plus- tôt donna à disner à quelques grands parleurs, ba- lourds et sans noblesse d’origine, qui ne songeoient qu’à prendre les premières places dans un estât populaire. Elle attisa leur ambition, nourrist leurs espérances et apporta ce que la femme de toute condition sçait si bien respandre hors d’elle, une