Page:Uzanne - Son altesse la femme.djvu/191

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du même panier, et saluant une dernière fois le peuple et la statue de la liberté.

« Jacquette Aubert, dominant sa faiblesse et ses larmes, eut le sublime courage, ce jour-là, de demeurer sur la place parmi la foule assombrie, se soutenant à peine dans le flot populaire, sur le passage de la terrible charrette, et elle put envoyer pour l’Éternité un dernier adieu à ce cher et unique amant, qui portait sa tête fière et dédaigneuse sous le couperet. Elle le revoyait sur cette même place, où, huit mois auparavant, il dominait si superbement le peuple en incinérant la pourpre royale ; il semblait aussi glorieux, aussi maître de lui, sans affectation de pose théâtrale, comme séduit par la mort qui allait le faucher en pleine jeunesse, dans un rayonnement d’amour. — Pauvre Séchelles ! sur la toiture inclinée de la vie, il se laissait glisser, tout habile qu’il fût, sans pouvoir se retenir aux tuiles !

« L’amante infortunée, l’œil fixe, les pieds figés sur place, roidie comme une visionnaire, vit tous les apprêts terribles, la descente de charrette, la montée suprême des marches et la silhouette hautaine des condamnés sur la plate-forme ; la pensée s’était arrêtée en elle, le cœur même ne battait plus ; elle assistait vivante à son agonie…. Hérault passa le premier…. Il y eut une poussée dans la foule.

« Lorsque l’acier glissa en sifflant entre les bras sanglants de la guillotine et après qu’elle eut en-