Page:Uzanne - Son altesse la femme.djvu/200

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tidor an V, j’étais dans tout le feu de ma plus éclatante jeunesse, je tisonnais en moi un brasier de passions ardentes qui ne demandaient qu’à incendier les déesses court-vêtues qui me frôlaient au passage. — On me nommait familièrement Fusée de Brillancourt, car j’étais bien l’amoureux le plus pyrique que l’on pût voir du Petit Coblentz à Tivoli ; un incroyable qui ne demandait qu’à être cru, disait de moi un élève de M. de Bièvre, lequel aimait les équivoques, et, vé’tu-Dieu ! Je c’ois que j’étais toujou’s c’u sur pa’ole, lo’sque je ma’ivaudais avec Palmi’e, Olympe ou l’ado’able Saint-Pha’, sous les bosquets d’Idalie !

Les vieillards radotent souvent, ils sont d’ordinaire portés à condamner le présent, pour la plus grande gloire du passé. « Huy est mauvais et demain pire », écrivait-on déjà au moyen âge ; on revoit à travers le prisme de la vingtième année toute une cavalcade brillante et joyeuse où nos souvenirs chevauchent, drapés d’écarlate et d’or comme des hérauts d’armes. Les rires sonnent plus gaiement dans le lointain de notre vie ; les femmes voilées par les regrets de notre jeunesse passée nous apparaissent plus suavement idéales ; l’amour-propre préside encore dans notre mémoire au défilé de nos bonnes fortunes ; les tristesses ne font plus partie du cortège : les douleurs se sont évaporées, les déceptions ne se montrent plus, nos chagrins les ont enterrées pro-