Page:Uzanne - Son altesse la femme.djvu/232

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s’empilaient sous le tablier de cuir lorsqu’apparurent un peu essoufflées deux dames,Tune âgée, l’autre dans la fleur même de l’âge, suivies d’un domestique qui les installa dans le box réservé de l’avant. Le conducteur se hissa sur son siège, se calfeutra les jambes dans les couvertures, ganta ses moufles de laine, saisit les rênes, taquina son fouet et déjà criait : « Partons-nous ?» quand un jeune homme arriva, courant légèrement, un sac de nuit en tapisserie à la main, souriant à l’automédon en disant de sa voix fraîche avec une insouciance aimable : « Eh ! que diable ! ne démarrez pas sans moi, je vous prie ! » Le retardataire prit place à côté des deux dames, le cocher siffla, fit claquer son fouet avec un bruit de mousqueterie que les échos des maisons répétaient et le lourd véhicule s’ébranla en sursautant avec le tintinnabulement des vitres sur les pavés inégaux de la petite ville.

Les premiers instants d’un voyage en commun, où l’on se serre le coude dans l’espace restreint d’une case de diligence, ont quelque chose de pénible qui participe du malaise et de la défiance ; on se regarde anxieusement, on s’examine, on s’ausculte du regard, comme pour présager le destin de sa route, le sort réservé aux franchises corporelles, c’est-à-dire au sommeil, au libre exercice en angle obtus de ses jambes, au jeu des bras et surtout à la liberté de