Page:Uzanne - Son altesse la femme.djvu/252

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aux sommations respectueuses, je ne voulus point de scandale ; il fut convenu que, les obstacles grandissant l’amour, que l’attente sanctifiant la passion, nous saurions patienter et nous montrer dignes d’un sentiment si profondément enraciné en nous. Durant deux années, je vis Juliette, chaque jour épris davantage, chaque jour sollicitant de mon père un consentement qu’il refusait opiniâtrement ; puis, sans doute pour dissimuler une diversion, pour fatiguer ma con- stance, on me confia une mission ministérielle en Russie. Je ne pouvais me décider à cette séparation, si longtemps retardée sous mille prétextes. Je dus partir. Les adieux, tu ne l’as pas oublié, mon cher et fidèle René, furent déchirants et terribles ; il planait sur nous comme un pressentiment cruel, comme une fatalité jalouse de briser des liens si amoureusement tissés. Je fus à Saint-Pétersbourg deux ans ; durant quinze mois Juliette m’écrivit… Lettres chéries, brûlantes de tendresse, enfiévrées de désir, toujours je vous relirai jusqu’à l’heure suprême !

a Tout à coup, ainsi le ciel se couvre aux instants de grand cataclysme, le ciel de mon amour s’obscurcit, les lettres se firent plus rares et cessèrent complètement. Je faillis devenir fou d’inquiétude et demandai mon rappel, j’écrivis à mon père, je t’écrivis, René, vous priant l’un et l’autre de vous mettre en quête de ma chère maîtresse. — Vos recherches furent vaines ; je crus à un désespoir, à un suicide et