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VÉNUS EN RUT


ture chevaleresque ; mais elle m’apprit que, traversant les Terraux, elle avait rencontré un cousin chéri, grenadier aux gardes, le plus bel homme du régiment, et qui allait au pays, par congé ; il sortait d’un billard, il m’a abordée ; son air leste et militaire m’égaraient ; l’ayant reconnu, je lui ai sauté au cou.

— Quelle fortune, mon cher Bertrand, de te retrouver ici ?

— Qu’appelles-tu Bertrand ? Je ne suis plus ; vois-tu cet uniforme ? Je me nomme Tranche-Montagne.

— Ah ! mon Dieu, que c’est terrible ! mais suis-moi ; tu souperas chez nous ; ma maîtresse, à qui je te présenterai, le permettra.

L’élégance de ma mise, sortant de chez la Thibaut, ne contrastait pas mal avec l’uniforme du grenadier, qui me donnait le bras. Des petits-maîtres se permettaient des éclats de rire ; un coup d’œil du cousin les forçait au sérieux : enfin, madame, trouvez bon que, de ma poche, j’envoie chercher une poularde, et que je la mange avec mon parent.

À peine eut-elle dit, que Tranche-Montagne parut. Au lieu de me faire la peur dont ce nom gigantesque menace, je vis une belle figure, de la politesse et de l’usage du monde : il avait été clerc de notaire, et, préférant le sabre à la plume, il avait déserté l’étude : je voulus qu’il