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VÉNUS EN RUT


me donnait gros, mais je ne pouvais me régaler d’une passade qui réunissait le curieux et l’utile. Le galant Muhamed Derriche Kan, ambassadeur de Typoo-Saïb, était alors à Marseille : je savais qu’il était généreux et poli ; je décidai de l’avoir. Heureusement mon baronnet était à Aix, pour y rencontrer des anciens amis. J’eus soin de m’attacher à ses pas et de me montrer partout où il allait.

Tu vois, Folleville, mes yeux l’agacer, et le forcer à me répondre ; il le fit au spectacle. Il s’amusait de Panurge, et écoutait, avec attention, la belle Ponteuil, qui, dans ce moment, vêtue en sibylle, n’en était que plus touchante. Tu ne connais pas cette actrice, elle unit les talents à la beauté, les grâces aux vertus : tu peux la voir dans l’estampe, gravée d’après le superbe tableau de la célèbre dame le Brun : cette artiste, voulant nous donner l’allégorie de l’innocence réfugiée dans les bras de la justice, a choisi M. de Ponteuil pour donner à l’innocence un caractère que nous avons perdu, mon amie, et qu’elle a conservé au théâtre : quand elle lève les yeux au ciel, je suis femme, assez jolie, et je l’admire : je reviens à mon Asiatique.

Je trouvai moyen d’arriver près de Muhamed ; nous eûmes quelques bonnes distractions ensemble ; il ne m’apprit rien de nouveau ; je vois que dans les quatre parties du monde habitable,