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VÉNUS EN RUT

Dès qu’on a disparu quelque temps de Paris, on est oublié ; un nouveau nom, une maison dans un quartier opposé à celui qu’on habitait, une voiture qui n’a point encore paru, une physionomie qui ne ressemble plus à celle de l’année précédente, étant variée par la mode du jour, tous ces riens, très essentiels, assurent des conquêtes ou des plaisirs.

Voulant jouer la femme demi importante, je pris un hôtel au faubourg Saint-Germain ; n’osant pas ordonner une livrée à galons surchargés d’écusson écartelés, j’en fis une lilas, galonnée d’argent : elle annonçait l’élégance d’une femme de qualité, qui ne veut point s’afficher. J’achetai une charmante voiture anglaise, à ressorts élastiques, je fis peindre mon chiffre sur ses portières, modestement couronné de fleurs et soutenu par deux amours. Mon cocher, qui n’avait que six pieds, portait une moustache qui aurait fait honneur à un Traban des gardes suisses ; deux laquais assortis, mais d’une figure moins prononcée, se tenaient cramponnés à mon char, qui volait avec la rapidité de celui d’Apollon, et m’offraient le bras quand je mettais pied à terre, avec une intelligence qui prouvait qu’ils avaient servi des femmes du haut parage. Mes meubles étaient recherchés ; Fanchette présidait à ma toilette, j’avais pris une de ses parentes pour seconde ; Honoré était valet