Page:Véron - Mémoires d’un bourgeois de Paris, tome 1.djvu/125

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pour le vieillard. Notre civilisation et nos mœurs tendent plutôt à livrer le vieillard à l’inaction, au dénigrement et à la risée publique.

Nous vieillissons de dehors en dedans ! Avec l’âge, la peaü, cet organe à immense surface, voit d’abord ses fonctions devenir moins actives. L’estomac, l’intelligence, au contraire, conservent souvent, dans un âge avancé, une grande puissance d’action ; tous les appendices de la peau deviennent le signe extérieur d’un grand âgé ; aussi ne saurait-on trop multiplier, plus que jamais, tous les soins du corps, tous les plus minutieux détails de propreté. Je ne saurais trop conseiller aux vieillards de porter des vêtements chauds été comme hiver, et d’entretenir, par des frictions, par toutes les excitations permanentes de la peau, sa chaleur et sa vitalité.

Mon ami Michaud, de l’Académie française, toussait toute l’année. Il était d’une haute stature et courbé en deux. Sa poitrine, pendant la toux, résonnait comme un magasin de porcelaines où on aurait tout brisé. Tout enrhumé de profession qu’il était, il partait à plus de soixante-trois ou soixante-quatre ans pour Jérusalem. Il en revenait ; il buvait du vin de Champagne, s’entourait de jeunes gens, et la pathologie lui joua ce mauvais tour qu’après avoir souffert toute sa vie d’une maladie de poitrine, il mourut d’une maladie d’entrailles. On défend à la mort d’entrer par une porte, elle entre par une autre. Mais, malgré son entrain, Michaud gardait la chambre pendant les grands froids de l’hiver ; c’était d’une sage prudence. Il faut surtout, au delà de soixante ans, se sauvegarder de l’honneur de mourir de la pneumonie des vieillards.