Page:Véron - Mémoires d’un bourgeois de Paris, tome 1.djvu/144

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sabreur parvenu, avaient-pour caissier une madame Patin, une baronne, et quelquefois mieux.

Comment des hommes bien nés, d’une honnête famille, peuvent-ils oublier leur dignité et leur honneur jusqu’à de pareils manèges ! Je ne pouvais trop comprendre comment se jouaient ces scènes si souvent renouvelées, entre le faux amour demandant rançon, et un amour vrai, toujours crédule et toujours généreux. Un de ces débauchés qui vivait au milieu de tous ces ménages de comédie, me fit assister par ses récits pleins de vérité à ces scènes d’alcôve et de forêt de Bondy.

Voici comment s’y prenait un de ces hommes à bonnes fortunes. Au moment où, dans le boudoir de sa maîtresse, il lui tenait le langage le plus aimant et le plus soumis, son valet de chambre arrivait tout essoufflé. Quelques affidés à mauvaise figure étaient apostés dans la rue : « On vient arrêter monsieur le comte pour une lettre de change de vingt-cinq mille francs. — Misérable ! que viens-tu dire ? … C’est une dette, ma chère amie, que je voulais toujours vous cacher. » La pauvre femme dupée trouvait les vingt-cinq mille francs. Le valet de chambre avait joué la comédie, et percevait un droit légitime sur ces sortes de rentrées qu’il procurait à son maître.

Tous nos jeunes roués n’avaient cependant pas recours à de pareils tours de main. L’un d’eux avait, pour confident, mais non pour complice, son médecin ; le client ne demandait qu’un service : « Dites que vous trouvez que je change, que vous ne vous expliquez ni ma