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nement dans sa vie, elle engageait son cœur et sa liberté.

Dès l’âge de huit ans, mademoiselle Mars jouait des rôles d’enfant au théâtre Montansier ; elle joua le rôle travesti du frère de Jocrisse, dans le Désespoir de Jocrisse. Baptiste cadet jouait aussi alors la comédie à la Montansier.

Mademoiselle Mars était, comme on sait, la fille de Monvel, comédien et auteur comique de grandes façons et de beaucoup d’esprit.

Ce fut dans les rôles d’ingénues que mademoiselle Mars débuta au Théâtre-Français. Jeune fille et comédienne, elle eut aussi ses mauvais jours. Ses débuts n’eurent point un très-grand éclat ; elle fut cependant protégée et conseillée par mademoiselle Contat ; elle était même reçue dans le salon de cette reine du théâtre, autour de laquelle se pressaient gens d’esprit, grands artistes, financiers et gens de cour.

À ses débuts, mademoiselle Mars était maigre, montrait des coudes pointus, des bras et des mains un peu rouges ; mais elle eut toujours l’œil le plus vif, une bouche au plus gracieux, au plus varié sourire, la voix la plus intelligente, la plus sympathique et d’un timbre musical qui charmait le cœur et l’oreille.

Ce fut surtout vers la fin de l’empire, et lorsque, à la mort de mademoiselle Contât, elle put jouer le grand répertoire, les rôles de grandes coquettes, que mademoiselle Mars fit du bruit et qu’elle conquit l’admiration de la critique et du parterre. Elle prit bientôt l’embonpoint le plus élégant, et cumula toutes les séductions irrésistibles de la beauté, du talent et du succès.