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ministre, je vous prie de réparer le plus promptement possible mes pertes de fortune : je vous donne ma parole d’honneur que je n’ai plus que vingt-cinq mille livres de rente. »

Cependant toutes les prétentions, toutes les exigences plus ou moins ambitieuses du parti de l’émigration, le costume moitié civil et moitié militaire de ces vieux officiers de l’armée de Condé, éveillèrent l’esprit narquois du bourgeois de Paris, qui n’avait point encore oublié l’air martial, la grande tenue et les victoires des soldats de l’empire.

Ce ne fut bientôt contre les émigrés que pamphlets et caricatures.

Il se joua même sur le boulevard une singulière parodie. Les colonels Duchand, Moncey, Morin, J****, L****, s’affublèrent chacun du costume complet d’un de ces voltigeurs de l’armée de Condé : ils déjeunèrent ainsi à Tortoni, et se promenèrent sur les boulevards à la grande gaieté de tous les passants.

Ces cinq colonels, jeunes et brillants, furent mis aux arrêts de rigueur. Le colonel L****, sortant de prison et rencontrant un vieil émigré en costume complet de voltigeur : « Vous êtes bien imprudent de porter un pareil costume ; pour en avoir porté un semblable, on m’a mis pendant un mois aux arrêts. »

Une comédie représentée à l’Odéon eut, vers cette époque, un succès de circonstance. Cette pièce avait pour titre : la Famille Glinet ; on y déversait le ridicule sur les hommes d’autrefois, qui voulaient seuls entou-