respectueux que possible. Tous ces manèges n’avaient point échappé à la sœur Cunégonde, et elle aussi, par ses regards sévères et par ses nuances de langage, ne me cachait ni son mécontentement ni ses tacites reproches.
La passion de la peinture et l’amour font lever de bonne heure : j’arrivais toujours le premier à l’hôpital de la Charité, heureux d’admirer, de contempler et d’aimer secrètement la noble et belle servante de Dieu.
À l’extrémité d’une des salles de mon service, s’élevait la chapelle où se célébraient les offices des morts. J’éprouvai un violent battement de cœur en y surprenant un matin sœur Marguerite seule, plaçant des cierges autour d’un cercueil ; je m’approchai d’elle, et ma vive émotion suffit à lui apprendre que j’avais bien des choses à lui dire. La première, elle m’adressa la parole avec le plus spirituel sourire : « J’ai, monsieur, à vous faire ici un sermon… En face du tabernacle et en présence d’un cercueil, mes paroles et les vôtres ne peuvent manquer du respect qu’on doit à Dieu. Je ne me suis faite religieuse qu’après avoir vu expirer dans mes bras ma sœur plus âgée que moi, dont la vie avait été pleine de désordres. J’ai assisté à son agonie, à ses regrets et à ses remords, et je n’ai voulu vivre ni mourir comme elle. Je sais donc le monde plus que vous ne le pensez, et je viens franchement vous supplier de me traiter avec la même indifférence que sœur Cunégonde, ou de la traiter avec autant de politesse que moi. Les passions entrent dans nos cœurs de religieuses, comme dans le cœur de toutes les femmes ! seulement nous les réprimons avec plus ou moins de ferveur pour plaire à Dieu.