Page:Véron - Mémoires d’un bourgeois de Paris, tome 1.djvu/286

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bitement en 1842. Beyle avait beaucoup de cachet ; personne ne racontait comme lui. Mérimée avait beaucoup de goût pour Beyle. Un des grands charmes de ces réunions, c’est que tout ce monde se rencontrait, presque tous les jours de la semaine, dans diverses maisons qui recevaient à jour fixe. C’était chez Gérard, chez madame Ancelot, chez Cuvier, au jardin des Plantes, etc.

» Malgré cette vie mondaine, je travaillais tout le jour ; mon organisation, d’ailleurs assez frêle, suffisait à tout ce mouvement. La jeunesse permet les excès, parce qu’elle tend toujours à les réparer.

» C’est après 1830 que l’amitié de M. Thiers me valut le Salon du Roi. Cette œuvre, qui eut assez de succès, même auprès des puristes, décida d’autres ministres à me confier de nouveaux travaux. Je n’avais pas la faveur du roi Louis-Philippe, qui n’entendait rien à ma peinture ; les deux ou trois tableaux qu’on me demanda pour Versailles me furent donnés parce qu’on en donnait à tout le monde.

» On m’a enrégimenté, bon gré mal gré, dans la coterie romantique ; ce qui a pu ajouter les sottises de quelques-uns à la liste des sottises que j’ai pu faire. Je me suis tiré de tout cela par une très-grande modération dans mes désirs, dans tout ce qui touche à l’argent, et par cette extrême confiance que donne la jeunesse et que l’âge tend à affaiblir. Dans mes tableaux, j’ai toujours vu les défauts avant les juges les plus sévères ; mais mes juges y voyaient-ils le bien qui s’y trouvait ?

» Les salons de peinture, sous la restauration, n’étaient point annuels. Pour un homme militant et ardent, c’était un grand malheur dans l’âge de la séve et de l’au-