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posé à l’acceptation du peuple français son acte additionnel aux constitutions de l’empire, et les fonctionnaires publics ayant été invités à exprimer par écrit leur adhésion à cet acte additionnel, Jean-Jacques Guizot apposa, comme tous ses collègues, sa signature sur le registre où s’inscrivaient les votes.

Lorsque M. Guizot connut cette démarche de son frère, il l’en blâma vivement, et le détermina à rétracter son vote, en rayant sa signature.

Jean-Jacques Guizot fut immédiatement révoqué par une décision spéciale du ministre de l’intérieur[1], Carnot, et cette décision fut publiée au Moniteur, dans une note que voici :


Le ministre de l’intérieur vient de faire quelques changements dans ses bureaux. Des motifs politiques ont pu se réunir à d’autres causes de renvoi de plusieurs employés. Ces motifs ont pu être que des individus qui avaient passé une partie de l’année dernière à faire preuve des plus fortes garanties de leur dévouement à la dynastie des Bourbons, données par quelques-uns d’eux au temps même où ils étaient engagés, par leur serment, envers l’empereur Napoléon ; que ces individus, dis-je, ne paraissaient pas, en cela même, offrir assez de garanties à l’ordre social actuel qui a remplacé les Bourbons, et qui est en ce moment l’objet de leurs attaques directes et indirectes unies à celles de l’étranger ; mais il est si faux que le refus de voter pour l’acte constitutionnel ait influé en rien sur la décision du ministre, que des employés qui ont signé oui pour l’acte constitutionnel, notamment M. Guizot, n’en ont pas moins reçu leur démission ; tandis que d’autres employés à qui leur conscience n’a point dicté un vote aussi empressé que celui de M. Guizot, n’en sont pas moins conservés. Le caractère de tolérance aussi prononcé que celui d’indépendance personnelle que M. Carnot a porté dans tant de situations différentes établissait d’avance assez positivement le caractère du ministre de l’intérieur, pour qu’il fût difficile de s’attendre à le voir accuser de manquer à l’indépendance des autres.

  1. Moniteur du 14 mai 1815.