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la restauration et sous la monarchie de Juillet sont MM. Bernard, Boursault et Bénazet.

Boursault, dont j’ai plusieurs fois visité la curieuse et splendide habitation, était un homme de ce temps-ci. D’une physionomie très-accentuée, violent, emporté, toujours prêt à prendre une voix de tonnerre, il avait dû se faire écouter et, peut-être, se faire applaudir dans plus d’un club, pendant la révolution. Il avait joué des rôles tragiques, et même composé une tragédie. Dans une conversation intime ou d’affaires, et sans le moindre à-propos, il vous déclamait des vers de Voltaire ou les siens.

Sous le directoire, sous l’empire, et même sous la restauration, Boursault se cramponna à toute affaire qui pouvait donner de gros gains. Selon lui, l’énormité des bénéfices relevait et moralisait toute entreprise : il soumissionna les boues de Paris, les vidanges de Paris, les jeux de Paris.

L’habitation de Boursault était magnifique et d’un luxe intelligent. On remarquait dans sa galerie quelques bons tableaux ; mais il avait surtout, dans ses appartements, les serres les plus riches, les fleurs les plus rares, dans un temps où l’horticulture était un luxe exceptionnel et bien loin de tous les progrès qui se produisent chaque jour.

Ce fut dans les serres de Boursault que, vers les dernières années de l’empire, une entrevue eut lieu entre le duc de Rovigo et Chateaubriand, par les soins de la baronne Hamelin. Cette entrevue n’amena aucun rapprochement.

Montrond avait toujours un mot cruel contre la fatuité ou l’insolence des enrichis et des parvenus ; il avait donné à Boursault un sobriquet qui faisait pouffer de rire